P'tit
Sapeur.
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Camp
Sainte Marthe
« le: Janvier 08, 2007, 04:57:16 »
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CAMP
SAINTE MARTHE :
L'aspect extérieur du camp est toujours le même, mais cette fois le corps
de garde est occupé par la Légion. On pratique le même cérémonial que la
première fois. Yasreg passe les fourches caudines sans problème. On est
poli et on semble le caresser dans le sens du poil. Le sous-officier
pousse la courtoisie jusqu'à lui adjoindre un planton pour le mener à bon
port. De toute évidence, personne ne se souvient de lui. Tant mieux, mais
ce n'est guère étonnant, compte tenu du va-et-vient habituel de
l'endroit.
En y regardant bien pourtant, des choses ont évolué : par exemple,
l'accueil et l'attitude générale présentent moins de débraillé. C'est
toujours la tour de Babel, mais on sent qu'une poigne énergique a pris
les choses en mains. On ne voit plus d'Annamites, moins de Sénégalais et
de Nord-Africains. On s'y bouscule moins. Les allées du camp sont
entretenues. On constate qu'un effort louable a été soutenu pour que les
locaux soient présentables.
L'excellente tradition de la Légion veut que le nouveau venu passe
d'emblée aux cuisines pour un casse-croûte et un verre de pinard. Tout le
monde, même le cuistot, semble s'être donné le mot pour rectifier
l'impression déplorable de "Sainte Marthe, première mouture".
En s'excusant presque, on confronte notre vagabond repenti avec l'abord
agréable et nécessaire du décrassoir. Ensuite, c'est la présentation des
appartements. Yasreg va de surprises en surprises : un lit avec des
draps, une petite armoire pour ceux qui ont quelque-chose à y mettre, ce
qui n'est pas son cas. Pour le moment, les locaux sont vides. On lui
fiche la paix... et c'est tout ce qu'il demande.'
DECOR : le bureau du Capitaine
Une table de bois encombrée de papiers. Au mur, un drapeau français
croisé avec un fanion rouge et vert de la Légion. Deux portraits, celui
du Maréchal Pétain et celui du Général Rollet, héros légendaire de la
Légion Etrangère. En-dessous, une citation en grandes lettres, attribuée
à ce dernier :
"Légionnaires, vous êtes légionnaires pour mourir et l'on vous
envoie où l'on meurt."
Assis derrière le meuble, un Capitaine chargé d'interroger les futures
recrues. Yasreg le reconnaît, c'est le même qui l'a questionné la
première fois.
"Ah; Tiens, vous revoilà; Je me souviens de vous. Et moi qui vous
croyais disparu ! Quelle agréable surprise : Heureux de vous revoir ! Et
après tout, supposons que je vous flanque à la porte... Qu'en pensez-vous
? Car je ne suis nullement certain que vous n'allez pas me refaire le
même coup. Etes-vous décidé cette fois ?"
Yasreg est dans ses petits souliers. Il se sent plutôt gêné aux
entournures. Que répondre ? Il ne s'agit plus de crâner. Comme tout futur
plouc qui se respecte, il faut s'abstenir de tout commentaire. L'échine
est raide, mais il faut qu'elle acquière de la souplesse. La diplomatie
du roseau qui plie et ne casse pas est d'application.
Le candidat repenti se cale au garde-à-vous : "J'ai bien réfléchi
mon Capitaine, je suis décidé à signer. J'espère que vous n'allez pas me
mettre dehors."
L'officier, un petit sourire au coin de la moustache, le regarde quelque
secondes. "Bon" dit-il, "normalement tu devrais déjà être
sorti, mais tu es toujours là... On va refaire un essai... C'est comme si
tu n'étais jamais venu ici. Demain matin tu repasseras les visites
médicales. Maintenant, il y a une chose que tu as intérêt à comprendre :
je crois que ce n'est pas le moment pour toi de rentrer en Belgique, je
crois aussi que tu as de bonnes raisons. Tu agis sagement en te mettant
sous la protection de la France.
Rassures-toi, elle ne te demandera pas plus que tu ne peux donner."
Yasreg bredouille un : "Merci mon Capitaine.'", fait demi-tour
et relit l'inscription sur le mur. Il a compris. Mais l'expérience est
encore à faire !
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