koufra
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Le
livre de Razvan
« le: Juin 28, 2007, 09:01:48 »
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Quelques
extraits
" Engagé dans la légion pour l'Indochine. Il se remémorait ses
classes en Algérie, à Sidi Bel Abbès, ses copains, dont beaucoup avaient
disparu plus tard en Indochine, son embarquement sur le Pasteur à Mers
El-Kebir au début du mois de septembre 1948.
Tout cela était bien loin, il était jeune et partait pour l'aventure,
pour l'Orient. On allait simplement rétablir l'ordre dans une contrée
exotique. Jamais il n'aurait pu penser qu'il souffrirait mille fois plus
que ce qu'il avait vécu sur le front russe.
Et cette arrivée à Saigon, suivie du débarquement à Pointe Pagode, c'était
le 25 septembre, il s'en souvenait nettement car le lendemain il avait
été affecté à la 12e Cie du 3e REI, c'était un souvenir très précis. Il
allait y rester jusqu'à ce que le troisième bataillon soit envoyé à Cao
Bang en 1950. Cao Bang, horrible souvenir! Non pas la ville, mais son
évacuation à laquelle il n'aurait jamais dû participer. En effet, début
septembre 1950, il avait demandé une prolongation de séjour de six mois,
alors qu'il était rapatriable et devait embarquer sur le Pasteur dans les
premiers jours d'octobre. Il avait pris cette décision comme cela, un
jour, pour rester avec les copains.
Cao Bang, on y était pourtant bien, la forteresse paraissait solide, et
puis un jour, brusquement, sans préavis, en avant, direction Lang Son et
au passage on devait secourir les copains du IIIe, assiégés à Dong Khé.
Quel souvenir, cette marche à travers la jungle avec cette colonne
invraisemblable de partisans, de femmes et d'enfants qui avaient disparu
progressivement et ces combats contre une marée de Viêts. Au bout d'une
semaine de marche et de bagarres, dans un terrain épouvantable où il
avait fallu porter les copains blessés, à peine le temps de recouvrir les
morts, à bout de munitions, exténué, il avait été fait prisonnier avec
les restes de la compagnie du lieutenant Bonfils.
Prisonnier pendant vingt-sept mois, puis libéré vers son pays d'origine.
Vingt-sept mois, il était resté prisonnier dans les camps viêt-minh;
vingt-sept mois à marcher, vingt-sept mois d'humiliation, séparé des
officiers et des sous-officiers, mais il avait tenu malgré la maladie et
les privations. Enfin, début 1953, il avait été libéré avec d'autres
camarades des pays communistes, pour leur malheur pas vers la France,
mais chacun vers son pays d'origine. RAZVAN était donc parti avec ses
compagnons d'infortune vers la Chine par divers moyens de transport,
camions molotova, train, à pied bien sûr, jusqu'à une première étape à
Pékin. Là, il avait essayé de prendre contact avec l'ambassadeur de
Roumanie qui dans un premier temps l'avait écouté, puis, après avoir reçu
des consignes, l'avait encouragé à rentrer au pays.
Union Soviétique et pays ratachés après 1945
Sibérie, Russie et finalement Roumanie, quel souvenir épouvantable que
cette arrivée dans son pays natal, dans sa patrie. Immédiatement il avait
été interné, puis jugé pour trahison à la grande cause du socialisme,
c'était en 1954. Le jugement avait été sans appel, dix ans de prison. Le
style de l'administration française avait quelque chose de fantastique et
de cocasse. On peut en effet lire sur les états de service de RAZVAN:
"Prisonnier, rapatrié par la voie démocratique, ne s'est pas
présenté aux autorités françaises lors de son rapatriement dans son pays
d'origine" !
Mis en prison, puis isolé en cellule. Il s'était retrouvé dans la plus
sinistre des prisons, à Pitesti, la prison des expériences de
rééducation. Par chance la grande période des tortures était passée, mais
tout de même ce ne fut pas facile. Un jour, excédé par un gardien, il lui
avait mis son poing dans la figure, résultat, deux ans de cellule sans
voir personne, même pas les gardiens. C'est un petit oiseau qui l'avait
aidé à survivre. Il venait tous les jours, à l'heure où on servait au
reclus sa maigre pitance. Il lui donnait quelques miettes. Cette
conversation quotidienne de quelques minutes à travers le soupirail avec
ce petit moineau lui redonna l'espoir.
Mis en résidence surveillée, marié et père d'un enfant. En 1964 ou 1965,
au moment de l'amnistie, il avait été libéré et mis en résidence surveillée
quelque part du côté du delta du Danube, encore pour dix ans. Mais là, il
avait trouvé Oana qui elle aussi avait eu des malheurs. Elle avait perdu
son mari dans le camp de travail du canal Danube-Mer Noire. Ils avaient
uni leur misère, s'étaient mariés et avaient eu un fils. Petit à petit,
ils avaient acheté quelques outils, travaillé leur lopin de terre, mangé
à leur faim, amélioré leur cabanon pour en faire une vraie petite maison
et se refaire une vie après tant et tant de souffrances.
Et l'on était arrivé ainsi en 1989 et à la révolution qui avait abattu le
tyran et sa dictature. C'est ainsi que RAZVAN se retrouvait dans ce train
vers Bucarest. Ses pensées tournaient et retournaient. Comment arriver à
l'ambassade de France ? Comment y entrer ? À qui s'adresser ? Les
miliciens en poste devant la porte le laisseraient ils passer ?
Reçu à l'ambassade de France. En fait tout alla bien, il se présenta
devant un parlophone et demanda à voir l'attaché militaire. L'idée lui en
vint au dernier moment. Le colonel arriva assez rapidement. Il lui
raconta son histoire. Ce fut assez long car il avait oublié son français,
mais cela lui revint petit à petit. Il faisait bon dans ce bureau, le
colonel l’écoutait avec attention et même lui semblait-il avec stupéfaction
et admiration. Il se sentait tout ragaillardi. Son cœur se réchauffa de
revoir ainsi, plus de quarante ans après, un officier français qui le
recevait avec tant de chaleur et cet officier était un colonel. Il ne se
souvenait pas d'avoir parlé à un colonel, même dans l'armée française. Au
bout d'un bon moment, peut-être deux heures, le colonel le fit conduire
au consulat où un fonctionnaire français releva tous les éléments
d'identité possibles et lui demanda de repasser dans deux mois… »
Il avait servi la France avec honneur et fidélité et la France lui rendit
cet honneur en le pensionnant et en lui remettant la Croix du combattant
volontaire qu’il portait fièrement."
A lire absolument
Amitiés
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