P'tit
Sapeur
Legio Patria Nostra.
Transmisions Q.G
0rdre de Louis Philippe !
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Mon devoir, la mémoire !
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Prologue
de Bigeard.
« le: Mars 02, 2006, 06:57:15 »
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Adieu ma
France
Général Bigeard
Aux paras
Aux coloniaux
Aux anciens appelés, ma seconde famille.
 tous ceux qui m’ont tant aidé
pendant ce long parcours de guerre :
nos merveilleux aviateurs
et nos solides artilleurs.
Prologue
Pourquoi ce livre ?
Être et durer : telle est ma devise.
Cette année, j’ai 90 ans. Déjà, 90 ans ! Je n’ai pas vu le temps passer.
Les fois où je me suis trouvé à deux doigts de la mort, je n’ai jamais
pensé que je serais encore là aujourd’hui et que j’écrirais toujours.
Mais pourquoi ce cinquième livre ?
Parce qu’il est temps de faire le bilan. Le bilan de ma vie et le bilan
de la France aussi, de cette France que j’ai connue dans toute sa
grandeur et que j’ai vue décliner au fil des décennies comme une flamme
qui s’étiole.
J’ai vécu l’héritage de la Première Guerre mondiale, puisque je suis né
en 1916. Puis j’ai participé activement à la Seconde et aux guerres
coloniales… vingt ans de guerre en tout. Trente trois ans de sauts en
parachute, cinq blessures, deux captivités. Officier le plus décoré de
France, Grand Croix de la Légion d’honneur, secrétaire d’Etat à la
Défense, député pendant dix ans, président de la commission de la Défense
à l’Assemblée nationale de 1978 à 1981, des centaines de milliers de
kilomètres dans les jambes… Pourtant, le bilan que je souhaite dresser au
soir de ma vie, à travers ces pages, n’a rien d’un recueil de souvenirs.
Au fil de mes quatorze autres livres, j’ai raconté les nombreuses
péripéties que j’ai pu traverser dans ma longue existence entièrement
consacrée à la défense de Madame la France.
Mais dans cet ouvrage, c’est tout autre chose que je souhaite dire.
Depuis ma Lorraine natale, depuis Toul où j’ai vu le jour et où je les
terminerais, j’écris ces lignes pour tenter, une dernière fois, de
secouer mon pays que j’ai servi avec amour, cette France qui a été la
colonne vertébrale de tout mon parcours, cette France que je ne reconnais
plus et qui, en près d’un siècle, à vécu tant de bouleversements.
Bien sûr elle a connu de nombreux changements techniques, heureusement.
Il faut vivre avec le progrès. Mais aussi des changements profonds au
plan politique, économique, social et moral surtout.
Aujourd’hui, rares sont ceux prêts à tout donner sans rien demander,
comme le faisaient les hommes que j’ai commandés. Ceux qui sont dans cet
état d’esprit, et heureusement il en reste, passent pour des naïfs, des
idéalistes d’un autre temps. Ce qui m’inquiète, de nos jours, ce qui
m’obsède presque, c’est le pourrissement moral d’un pays où toutes les
valeurs fichent le camp : plus aucuns idéal, la notion de patrie a
disparu ou est présentée comme dépassée, ringarde. Plus aucun soucis de
la grandeur de la France, goût de l’effort dévalué et découragé sur tous
les plans, perte du respect dû aux anciens, formation civique délabrée et
inconsistante, quand elle existe… et tant d’autres constats douloureux.
Je suis d’un autre temps, c’est vrai. Â l’école, quand j’usais mes fonds
de culotte à la communale, avec des instituteurs qui méritaient vraiment
leur surnom de «hussards noirs de la République», on m’apprenait que
mourir pour la patrie était un devoir. Combien de jeunes actuellement
sont capables d’entendre ce type de discours et, surtout, de le
comprendre ?
Peu, je le crains.
Alors que, quand on observe d’autres grandes nations, les Etats-Unis par
exemple, servir son pays est une fierté. Brandir son drapeau, l’accrocher
à sa fenêtre, est un orgueil.
Aussi, avec ce livre, je souhaite pousser un dernier coup de gueule. Bien
sûr, j’entends déjà les commentaires. Bigeard le râleur, Bigeard jamais
content, Bigeard qui voudrait toujours que tout doit parfais.
Je suis comme ça, c’est vrai. Mais ce trait de caractère d’appelle
l’existence et le respect. Respect de soi, respect des autres, respect
des valeurs autour desquelles une grande nation comme la France s’est
construite, siècle après siècle.
Ce coup de gueule, je peux d’autant plus l’exprimer au nom de beaucoup
d’entre nous que le courrier me le demande. Les milliers de lettres que
je reçois chaque mois disent le ras-le-bol des Français, le ras-le-bol
mais surtout, le désespoir.
Les Français sont perdus, désorientés. Dans un monde en profonde
mutation, confrontés à des changements radicaux, nos compatriotes se
demandent, tout simplement, où nous allons. Dans une France plus que
jamais à la recherche de sa grandeur et de sa vérité, dans un France qui
s’interroge, les français ont besoin d’être pris par le cœur et par les
tripes, par un homme qui saura leur redonner confiance et espoir, qui
saura leur rendre leur fierté, leur combativité.
Cet homme providentiel doit être comme le général De Gaulle l’a été, un
homme responsable et respectueux des libertés, un homme qui saura quitter
la scène le moment venu, de lui-même, une fois sa mission accomplie.
Ce ne doit pas être un marchand d’illusions, un démagogue, qui serait
avant tout un professionnel de la politique. Non. Il nous faut un homme
qui ait le sens du sacrifice, qui sache oublier l’esprit de carrière au
seul profit du pays. Cette question, comme bien d’autres, je l’aborderai
plus en détail dans les pages qui vont suivre.
Dans ce prologue, je souhaite déjà esquisser deux thèmes qui me tiennent
à cœur, que je développerai largement plus loin, et qui me semble
essentiels ; l’un en politique intérieur, l’autre en politique étrangère.
Le premier sujet, c’est le clivage droite-gauche dans notre vie publique.
En politique, je n’ai pas d’ennemi : nous sommes tous, avant tout, des
Français. Et nous devons tout faire, tous ensemble pour redresser la
barre.
Héla, l’ambiance actuelle, avec ses affaires, ses luttes de clans, ses
combats de chefs si nuisibles, à gauche comme à droite, n’est pas faite
pour me donner beaucoup d’espoir. Et pourtant, comment les dirigeants de
la droite, qui à force de se déchirer ont fait perdre à leur camp les
élections présidentielles de 1981 et de 1988, peuvent-ils poursuivre dans
cette voie qui ne même qu’à l’échec assuré ?
Je sais par expérience qu’il n’y a à gauche aussi des hommes bien. Je ne
suis pas sectaire, je ne m’intéresse pas à l’étiquette partisane de ceux
qui nous gouvernent. Il faudrait pouvoir réunir le meilleur de chacun.
Juste à titre d’exemple, quand Chevènement a voulu réintroduire
l’instruction civique à l’école et l’enseignement de la Marseillaise dans
les salles de classe, j’ai dit bravo. Il fallait ose, à notre époque !
Surtout de la part d’un homme de gauche. Aujourd’hui, cela semble se
concrétiser.
Le deuxième sujet que j’aborderai dans toutes ses dimensions, c’est la
menace terroriste des intégristes musulmans. Cette menace pèse sur notre
pays et, au-delà, sur toutes les démocraties, partout dans le monde. Avec
sec fous de Dieu, aucun dialogue n’est possible : ce qu’ils représentent
et ce que nous représentons n’est pas compatible.
En 1957, déjà, il y a donc maintenant presque un demi-siècle, j’écrivais
: «Le terrorisme ne se combat pas à visage découvert, à coups
d’opérations dites de contrôle, de déploiement de forces aussi
spectaculaires qu’inefficaces, de fouilles trop inopérantes parce que le
feffagha, de par son organisation clandestine très noyautée, s’y
soustrait aisément.»
Aujourd’hui rien n’a changé. Le terrorisme islamique, ne l’oublie jamais,
cherche à déstabiliser l’Occident, à le détruire au profit de conceptions
totalitaires qu’il voudrait imposer par la force et par la terreur à
toute la planète, y compris à l’Orient.
Dans ce livre, j’aimerais aussi raconter, pour la première fois, un
aspect plus personnel de mon parcours, en rendant hommage aux femmes de
ma vie, Gaby, mon épouse et Marie-France, notre fille.
Gaby, une Touloise elle aussi, épousée sous le soleil de Nice un beau
jour de janvier 1942. Depuis, nous ne nous sommes plus quittés, même si,
parfois, mes missions nous ont séparés temporairement. Gaby mon
équilibre, mon repère, ma boussole a toujours été là quand il le fallait
et elle continue de l’être, sachant dire les mots que j’attends dans les
moments de doute. Et marie-France ; née pendant que je servais au Tonkin,
Marie-France est toujours présente à mes côtés.
Gaby et Marie-France, ma famille, complétée par les paras et tous ceux
qui ont combattu avec moi, ma seconde famille.
Cet ouvrage est le dernier, se veut un livre testament. Pour cela, je
rappellerai les décennies de luttes, afin de faire mieux comprendre
certaines données essentielles d’aujourd’hui.
Me voilà arrivé au soir de ma vie, fier de ce que je suis : un homme
d’action, un homme de terrain et un homme du peuple. Sans le vouloir, je
sais que je représente une certaine façon de penser que j’exprimerai ici,
comme d’habitude, de manière franche et directe. Mon intégrité, les
distances que j’ai toujours gardées vis à vis des «salons» parisiens et
des magouilles du monde politico financier, m’autorisent à parler haut et
fort, à dire ce que voudraient exprimer de très nombreux Français.
C’est ce parler sans ronds de jambes, sans détours, qui a toujours été ma
ligne de conduite. Voilà pourquoi, sans doute, aujourd’hui encore, je
reçois tant de lettre, écrites par des personnes de tous horizons sociaux
et professionnels. Cette correspondance régulière me permet de garder le
contact avec un monde qui évolue plus vite que jamais, de sentir battre
le cœur de la France comme même un ministre ne peut le faire. Parce qu’il
est, en quelque sorte, trop coupé du monde réel, de ce que l’on appelle
depuis peu, avec un certain mépris d’ailleurs, «la France d’en bas».
On le sait, je suis partisan des contacts francs, sans perte de temps. Et
mes longues années passées sur tous les champs de bataille où
l’armée française était engagée, m’ont appris une chose essentielle : un
homme se juge d’abord et avant tout par sa capacité à l’effort et au
dépassement de lui-même.
Ayant connu un monde bien éloigné du nôtre, un monde où les conditions de
vie et de travail étaient rudes et presque inimaginables au regard de nos
critères actuels, je peux me permettre de parler en connaissance de
cause. Je n’ai pas été «intoxiqué» par les progrès du XXème siècle, ni
contaminé par la diffusion des idées pernicieuses du laxisme généralisé,
de la société de consommation et du «tout média».
En 1968 je n’étais pas à Nanterre, à la Sorbonne où sur les barricades de
la rue Gay-Lussac. Je ne défilais pas à Saint Germains des Près, un pavé
à la main. Non ! Je servais la France en Afrique, humblement, fidèlement,
à mon poste. Autant dire que je n’ai jamais vécu au rythme des débats
intellectuels «parisianiste». Ma mission, mes hommes, passaient avant
tout. En cela je suis l’un des derniers témoins d’une époque pas si
reculé dans le temps, mais très lointain du point de vue des psychologies
collectives et des valeurs fondatrices d’une société.
 cette époque, les Français gardaient un sens précis des réalités
économiques et politiques. Ils avaient le flair, l’instinct qui les
guidait beaucoup plus sûrement que les idéologies qui sont pris leur
place, avant de s’effacer devant le règne du fric triomphant, celui de la
réussite à tout prix ; au point d’oublier ce que sont la vie, la grandeur
et la défense d’une nation.
Notre nation : la France. On l’aura compris, c’est en témoin qui se veut
sans concession que j’aborde ce siècle qui commence, et dans lequel, je
ne me reconnais plus. Oui, ke reste étranger à ce nouvel environnement
parce qu’il est trop radicalement différent des repères que l’on m’a
donnés dans ma jeunesse, des exemples que l’on m’a transmis et de ceux
que j’ai vécus.
Pour autant je me refuse à la démission. Je ne suis pas encore hors
circuit, pas dépassé par les évènements dot la signification
m’échapperait. Non, je ne crois pas que le sens de l’actualité de la
France et du reste du monde m’échappe. Je pense être bien placé pour l’analyser
en profondeur dans la mesure où j’ai le recul suffisant doublé de
l’expérience des hommes. Ce recul fait souvent défaut à ceux qui ne
vivent que pour me pouvoir, ce pouvoir en grande partie artificiel, ceux
qui n’ont jamais été au contact de cette civilisation qui a construit
toute ma formation morale.
Je suis sans arrêt sur la brèche et reste relié à toutes les sources
d’information. Or elles sont nombreuses pour l’ancien secrétaire d’Etat à
la Défense que j’ai été. Je rencontre très régulièrement des hommes de
l’ombre, des agents des services secrets, des décideurs politiques et
encore tout récemment ; à son invitation, un ministre de premier plan, en
service.
La plupart de ces décideurs politiques ne font que me décevoir : beaucoup
d’entre eux m’inquiètent, chaque jour d’avantage, notamment sur les
questions de sécurité. Avec leurs grandes théories ; ils restent sourds
aux rapports pourtant nombreux des Renseignements généraux comme ceux de
la D.S.T. Ces rapports ne cessent de mettre en garde ,os dirigeants
contre la bombe à retardement qui couve dans nos banlieues, au sein d’une
population en grande partie musulmane, dont une minorité est noyautée par
des groupes fondamentalistes. Ceux-là ont décidé de préférer la
délinquance, prélude au terrorisme, à l’assimilation, même progressive.
Oui, nos dirigeants m’inquiètent. Ils demeurent trop peu mobilisés devant
les avertissements répétés de leurs services spéciaux et veulent ignorer
le danger mortel qui nous guette. Ils s’agitent, font du «volume» pour tenter
de nous rassurer. Mais leurs rodomontades ne me trompent pas.
Voilà pourquoi il faut porter ce sujet si alarmant sur la place publique
et dans les médias, pour réveiller nos élites trop molles.
Il en va de notre sauvegarde, de notre survie.
 ces dirigeants qui naviguent à vue en suivant les courbes de leur côte
de popularité, j’aimerais opposer mon expérience de combattant et de
meneur d’hommes, apte à identifier les dangers qui nous guettent. Je
voudrais, avec ce livre, contribuer à sortir le pays de sa torpeur avant
qu’il ne soit trop tard.
Parce que je suis sûr des valeurs qui sont celles de ma France, parce que
je garde toujours présent à l’esprit l’exemple de nos anciens, je
continue d’espérer un sursaut salvateur !
Parce que j’ai su échapper à la pensée soporifique et destructrice qui
est quotidiennement diffusée par les médias, je pense être de mon devoir
de pousser ce cri d’alarme.
Aussi, à tous ceux que je rencontre quotidiennement et qui me font part
de leur inquiétude, et leur désarroi, à tous ceux qui voudront bien me
suivre au fil de ces lignes, dans ce passage en revue de la France, je
propose de faire avec moi, à travers ces pages, «un pas, encore un pas»
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