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Affaire
des caporaux de Souain
« le: Octobre 26, 2007, 07:19:06 »
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Bonjours a tous
L'affaire des caporaux de Souain, fusillés pour l'exemple, est un des cas
parmi les plus flagrants et les plus médiatisés de l'injustice militaire
durant la Première Guerre mondiale.
Les faits
Le 10 mars 1915 à cinq heures du matin, après deux mois d'accrochages
sans résultat tangible dans le secteur et deux récentes attaques
infructueuses, les poilus de la 21e compagnie du 336e régiment
d'infanterie, reçoivent l'ordre d'attaquer de nouveau à la baïonnette et
de reprendre les positions ennemies établies au nord du village de
Souain.
Devant eux, le terrain est déjà jonché de cadavres et se trouve
directement pris sous le feu des mitrailleuses allemandes. De plus, la
préparation d'artillerie habituelle avant l'attaque, au lieu de secouer
les positions allemandes, envoie ses obus sur la tranchée française et
laboure le terrain d'assaut. Dans ces conditions, les hommes de la 21e
Compagnie, épuisés après plusieurs jours de tranchée, démoralisés par les
précédents insuccès, et ayant sous les yeux le spectacle des cadavres de
leurs camarades tombés dans les fils de fer intacts, refusent, ce
jour-là, de sortir des tranchées.
À cet instant précis, il est clair qu'ils anticipent l'échec et l'inutilité
d'une attaque qui les voue à une mort certaine. Tout soldat paraissant
sur le parapet étant immédiatement atteint par les balles. Plus tard, le
bombardement des tranchées françaises fera l'objet d'une polémique, à la
suite d'un témoignage : Le général Réveilhac, ordonnateur de l'attaque,
aurait demandé à l'artillerie de pilonner les positions française pour
obliger les soldats à sortir de leurs tranchées.
Suite à la désobéissance des hommes de la 21e, le général Réveilhac exige
des sanctions. Le capitaine Equilbey, commandant de la compagnie, est
alors tenu de transmettre à ses supérieurs une liste portant les noms de
6 caporaux et de 18 hommes de troupe, choisis parmi les plus jeunes, à
raison de deux par escouade. Le 15 mars, le général donne l'ordre de mise
de jugement directe des 24 hommes désignés.
Le procès
Le 16 mars, les inculpés comparaissent devant le Conseil de guerre de la
60e division demandé par le général Réveilhac avec le motif : « refus de
bondir hors des tranchées ». « Quiconque montait devait être fauché
littéralement soit par les nôtres, soit par le feu des mitrailleurs
allemands », déclarera le caporal Maupas lors de son interrogatoire. Le
verdict acquitte les 18 hommes du rang et 2 caporaux (Gosselin et Lorin).
Seuls 4 autres caporaux, tous originaires de la Manche sont condamnés à
mort le 16 mars 1915. Si le refus de sortir des tranchées était
indiscutable, la faute était partagée entre tous les hommes et le choix
de ces 4 caporaux fut totalement arbitraire. Ils étaient tous coupables
ou aucun ne l'était.
Le lendemain, 17 mars 1915, en début d'après-midi et deux heures environ
avant que n'arrive le recours en grâce qui commuait la peine en travaux
forcés, Théophile Maupas, 40 ans, instituteur de Le Chefresne, Louis
Lefoulon, 30 ans, cheminot aux Chemins de fer de l'Ouest à Caen, Louis
Girard, 28 ans, horloger, originaire de Blainville résidant à Paris 17e
et Lucien Lechat originaire de Le Ferré, 23 ans, garçon de café à Vitré
sont fusillés par leurs camarades du 336e d'Infanterie. Maupas, marié,
avait 2 enfants; Lefoulon un et vivait en concubinage. Girard, marié,
avait aussi un enfant, seul Lechat était célibataire.
La réhabilitation
Dès la fin de la guerre, la veuve de Théophile Maupas, soutenue par la
Ligue des droits de l'Homme contactée dès le mois d'avril 1915, entama un
combat pour la réhabilitation de son époux et des autres caporaux
fusillés de Souain; combat contre les institutions, mené sans relâche,
qui dura près de deux décennies et qui, en dehors de son activité
d'institutrice, l'occupa à plein temps. Le 11 avril 1920, le ministère de
la justice refusait d'examiner le dossier. Le 26 mars 1922, le dossier
des caporaux de Souain était rejeté par la Cour de Cassation qui jugeait
sur la forme sans trouver à redire sur le fond, puis une seconde fois le
21 avril 1926. Blanche Maupas créait alors le « Comité Maupas » qui
deviendrait en 1928 « Comité national pour la réhabilitation des victimes
de guerre ».
Par deux fois, malgré le long travail d'enquête, l'accumulation des
témoignages et l'épaisseur des dossiers constitués par Blanche Maupas et
la Ligue des Droits de l'Homme, les demandes de réhabilitation avaient
été rejetées. Eulalie Lechat, la sœur du caporal Lechat, avait elle aussi
créé un comité en 1923 avec l'aide de la Ligue des Droits de l'Homme. Le
caporal Lechat fut ré-inhumé au cimetière du Ferré le 16 octobre 1924.
Pendant plusieurs années, des meetings furent organisés dans toute la
France; la presse régionale et nationale ne cessa de parler de l'affaire et
les soutiens affluèrent de dizaines d'associations de mutilés de guerre
et d'anciens combattants. Il y eut de nombreuses signatures de motions,
des protestations devant la chambre des députés, toutes demandant la
réhabilitation des caporaux de Souain.
Il fallut cependant attendre jusqu'au 3 mars 1934 pour que la Cour
spéciale de justice accepte de juger sur le fond et donne un avis
favorable à la réhabilitation des 4 caporaux de Souain. Cette cour,
nouvellement instaurée pour examiner les dossiers en suspens des Conseils
de guerre, comprenait, à côté des juges et à parité, des représentants
des anciens combattants. Les épouses des fusillés reçurent le franc
symbolique au titre de dommages et intérêts, mais l'essentiel était que
ces 4 hommes soient réhabilités dans la mémoire des Français et que leurs
veuves puissent enfin faire valoir leurs droits à pension. Blanche Maupas
avait pu, à titre individuel, obtenir cette compensation dès 1921.
En 1925, à Sartilly, (Manche), lieu où Théophile Maupas avait été ré-inhumé
en août 1923 en présence de 5 000 personnes, fut érigé un monument à la
mémoire des Caporaux de Souain. Le nom de Maupas fut également donné à
des rues, à Villeurbanne, Bréhal, où il avait enseigné, en 1970, Sartilly
en 1995. L'école de Percy porte le nom de « Blanche et Théophile Maupas »
depuis 1998.
Le film de Stanley Kubrick, Les Sentiers de la gloire, qui reste une
fiction relative aux fusillés pour l'exemple de la Première Guerre
mondiale, s'est inspiré en partie de ce fait réel. Un livre, Pour
l'honneur de Théo et des caporaux de Souain, écrit par Jacqueline Laisné,
l'institutrice qui prit la suite de Blanche Maupas dans son école,
raconte également cette histoire. Blanche Maupas, décédée en 1962, avait
aussi écrit un livre, paru en 1933, Le Fusillé, dont la réédition en 1994
comporte des illustrations de Tardi.
Général Géraud François Gustave Réveilhac (16 février 1851 à Aurillac -
1937 ) - était un militaire français élevé au grade de général de brigade
le 21 décembre 1909[, commandant la 42e brigade d'infanterie, il porte
alors les insignes de Commandeur de la Légion d'honneur. Il est le fils
de l'épicier Robert Réveilhac et de Marguerite Redon.
Pendant la Première Guerre mondiale, il commande la 119e brigade
d'infanterie de réserve de la 60e division d'infanterie, du général Joppé
qu'il remplace, le 25 septembre 1914 à la tête de la division, après la
Première bataille de la Marne.
Officier montrant un total mépris de la vie de ses hommes, en février
1915, il donne l'ordre à l'artillerie de tirer sur une tranchée
française, fort heureusement, l'officier d'artillerie refuse d'obéir sans
un ordre écrit. Il ordonne, aussi, la reprise d'une attaque car le
pourcentage des pertes admissibles n'avait pas été atteint.
A la fin de la guerre, le général de division Réveilhac fut fait Grand
Officier de la Légion d'honneur, de retour dans sa région d'origine, il
mourrut paisiblement dans son lit en 1937.
Bibliographie
Blanche Maupas, Le Fusillé, Éditions Isoète, réédition 2002 avec des
illustrations de Tardi).
Jean-Paul Alègre, Blanche Maupas, l'amour fusillé, Éditions de
l'Avant-Scène Théâtre 1998.
Général André Bach, Fusillés pour l'exemple - 1914-1915, Éditions
Tallandier, 2003).
Nicolas Offenstadt, Les Fusillés de la Grande Guerre et la mémoire
collective, Éditions Odile Jacob, Paris, 1999.
Jacqueline Laisné, Pour l'honneur de Théo et des caporaux de Souain
fusillés le 17 mars 1915, ed Isoète, 1994 - rééedité sous le titre
Fusillés pour l'exemple, les caporaux de Souain, le 17 mars 1915, Éditions
Alan Sutton, en 2005.
Roger Monclin, Les Damnés de la Guerre, 1934.
R.-G. Réau, Les crimes des conseils de guerre, Éditions du Progrès
Civique, Paris, 1925.
Amitiés Légio More majorum
Daniel
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